Je suis né au siècle dernier (1), à l’heure où passait la carriole de la laitière, tirée par la jument Kina. Conflans (Meurthe-et-Moselle), mon village natal, est aussi celui de mon père, de mon grand-père et de mon arrière-grand-père, et c’est encore ici que je vis aujourd’hui.

C’est à Noël 1967 que ma grand-mère m’offrit une guitare-jouet (avec « Johnny » écrit dessus). Les cordes étaient d’une justesse approximative et l’accordage impossible, mais cela ne m’empêcha pas d’y gratter un accompagnement sommaire (comme dit Boby) lorsque je composai ma première chanson :

« Oh dis donc que quelle foule
Quand on va chercher des moules
Quand on arrive au comptoir
On est comme une vieille passoire

Refrain : oh mais dis
aïe pousse pas pousse pas pousse pas (bis)
aïe pousse pas pousse pas pousse pas (bis)

Le jour du quatorz’juillet
On regard’le défilé (2)
On se marche sur les pieds
Aïe crie une vieill’ mémé (au refrain). »

 

A cet âge-là, je supposais que tout un chacun composait des chansons, que c’était une activité créative et récréative parmi d’autres, aussi répandue que le dessin : on inventait des jeux, des histoires, des chansons, au gré de son imagination et des circonstances. J’ai fini par m’apercevoir que ce n’était pas le cas, mais aujourd’hui encore j’aimerais tant « Que chacun prenne sa guitare et fasse sa propre chanson » (François Béranger) !

Je me rappelle le début d’une autre chanson qui devait comprendre six ou huit couplets :

« J’ai un petit chat
Qui s’appelle Tigris
Il est tou-out gris
Comme un petit chat

Il danse la polka
Et le chachacha
Il aime les rats
Comme un petit chat » (3)

C’est ici qu’il faut parler du Doudou (1952-2013), mon cher frangin, qui me fit découvrir notamment les disques de Boris Vian, influence qui, avec le recul, me paraît décisive : ainsi donc, on pouvait aborder tous les sujets, combiner regard critique et drôlerie, inventer des mots, s’approprier tous les langages, jouer avec les rimes incongrues…

J’avais onze ans quand une section musique s’est ouverte à la MJC : la première année, flûte à bec pour tout le monde (je la pratique encore au sein de l’ensemble Paduana) et l’année suivante, je commençais la guitare classique. C’est encore le Doudou qui m’apporte des recueils de chansons avec accords, si bien que je m’initie très tôt à la guitare d’accompagnement. Tout naturellement, on passe des soirées chansons entre copains, puis en camp d’ados, puis devant le public de la MJC et en 1977 sur une vraie scène, pour une fête syndicale en plein air (900 spectateurs, tout de même !) ; avant la prestation du groupe Imago, j’interprète Allwright, Le Forestier et …Vian.

Après le bac, tout en passant une licence de maths, j’ai poursuivi mes études musicales au CNR de Nancy (deux médailles d’or). Je deviens professeur de musique dans différents conservatoires ou écoles de musique :
Adjoint d’enseignement au CNR de Nancy (1981) ; prof au conservatoire de Conflans (1982-2001),
à l’IMERA de Jarny (depuis 1993-2004), à l’école agréée de Metz-Sablon (depuis 2001), à l’école municipale de Jarny (depuis 2004).

C’est vers l’âge de 20 ans que je me mets à écrire des chansons d’une manière plus régulière, découvrant le plaisir de passer des heures à remanier un texte pour trouver la formule qui fait mouche (4). 

Un soir de janvier 1988, la seconde partie d’un de mes récitals de chansons est entièrement consacrée à mes compositions ; je commence par « Avenue de la garenne » et le public applaudit trois fois plus longtemps que précédemment : inoubliable.

Après, tout est affaire de rencontres :

  • Les fidèles musiciens : le premier d’entre eux, Philippe Sigu (1964-2020), mon contrebassiste dès 1983 ; ceux qui vont m’apporter les couleurs du jazz : Patrick Odasso (sax et clarinette, arrangeur des deux premiers albums), Loris Binot (claviers et accordéon), Laurent Payfert (basse puis contrebasse) ; et la grande inventivité de Benoît Stasiaczyk (percussions et piano) et Joan Barthez (batterie et percussions)…

  • Danielle Villière, chanteuse (non professionnelle) invitée dans tous les pays pour sa voix veloutée et ses interprétations généreuses, que j’accompagne sur les scènes des festivals de Vancouver (1990) (5) et d’Adélaïde (1991).

  • Laurence Becker, ma joyeuse complice, toujours enthousiaste et prête à chanter partout avec qui je propose différents programmes en duo depuis 1994 (en France, République Dominicaine, Egypte, Suisse, Canada…)

  • Florian Laconi, avant de faire la belle carrière que l’on sait en tant que ténor d’opéra, il est mon élève en guitare et chansons à l’âge de 13 ans, puis débute sur scène dans mes récitals ; en 1997, tournée Brassens en trio avec Laurence et moi.

  • Willy Fontanel et Valérie Monteillet, qui mettent mes chansons au répertoire de leurs chorales Amatys, Emyo et Cantilys à Yutz.

  • Les « collègues » auteurs compositeurs interprètes : beaucoup de scènes partagées (j’adore ça), le quarté de tête étant je crois (bon, je ne suis pas allé faire le décompte exact) Samuel Leroy, Maurad Mancer, Frédéric Bobin et Éric Frasiak.

  • Jean-Pascal Boffo (studio AMPER à Clouange) que j’ai retrouvé pour l’enregistrement de chacun de mes albums studio. Dès le début j’ai apprécié ses qualités humaines, ses multiples talents et son art du calembour (hâtif).

  • Les relais : Albert Weber (Chorus, Planète francophone), Gerd Heger (Radio Sarroise)

  • Les radios locales : Brigitte Venet (Fajet), Guy Zwinger (RCN), Serge Joseph (Déclic)…

Ajoutons pêle-mêle diverses expériences :

  • La radio : de 1986 à 1990, j’ai préparé et présenté l’émission « Voyage au Bout du Dimanche » sur Radio-Lorraine-Nord. Quatre heures hebdomadaires où vont se succéder comédiens, voyageurs et musiciens, avant la rubrique « Comme ça vous chante » et son « Manuel pratique du petit fabricant de chansons illustré par l’exemple », le bouquet final s’intitulant « Et avec la langue ? » : une véritable déclaration d’humour aux langages, jargons, patois réels et virtuels, sous forme de jeux de création littéraire collective comme le « Dictionnaire du dimanche » et le « roman à quatre mains. »

  • La musique ancienne : concerts au sein de l’ensemble « Paduana » (1980-2010).

  • Le chant classique : ténor à l’Atelier Vocal de Nancy (tournée en 1987 avec la Grande Ecurie et la Chambre du Roy).

  • Les récitals de guitare classique : en soliste, en duo, et avec l’orchestre de chambre de Conflans.

  • Le groupe vocal Au Dernier Cri (1989-2019), textes et chansons mis en scène pour des spectacles (sans sono) en petites salles ou à domicile. « Et la fête continue » (Prévert et Vian), « Tiens, tiens, tiens » (Mireille, Ray Ventura, Trénet), « A comme Absurdingue » (Boby Lapointe et Raymond Devos), « Exercices de style » (Raymond Queneau et les Frères Jacques », « Lgoudubongou » (cocktail éclectique).

  • Les ateliers d’écriture : co-animateur avec Maurad Mancer (Festiv’Art d’Ariège, festival Voix Vives à Sète, atelier Faire des Chansons à Lorgues), avec Frédéric Bobin (à Boulange et à Jarny), avec Hélène Grange, Charly Astié, Samuel Leroy (à Jarny).

  • La direction chorale : chef et harmonisateur du Chœur de Labry (1996-2020).

  • La composition instrumentale : pièces pour guitare classique, pour flûte à bec et guitare et pour différents ensembles

  • Les contes musicaux : « Alice+Alice » (2003) et « Un songe inouï d’été » (2009).

  • Le festival de Jarny : concepteur et programmateur du festival « Les lauréats de la nouvelle chanson » depuis 2009. Trois soirées de trois sets chacune, privilégiant les auteurs compositeurs interprètes francophones.

Et nous voilà ce soir (J. Brel)

(1):le 4 novembre 1959
(2) : une thématique à rapprocher d’ « On est pas là pour se faire engueuler » de Boris Vian, que je ne connaissais pas encore ; comme quoi…
(3) : la mélodie de ma chanson est extrêmement proche du début de « mon HLM » que Renaud composera dix ans plus tard.
(4) : zoum zouzoum zoum (Dick Annegarn).
(5) : où Richard Desjardins m’accompagnera au piano pour « le voyage du vieux mineur ».